Ça y est, je suis de retour. Point final, c’est terminé !
Je suis "revenue" de Katmandou, j’ai quitté son air humide et figé. A regret, j’ai laissé ses rues étroites avec ses échoppes entassées de bric-à –brac poussiéreux et bariolés, ses temples et ses ascètes au visage recouvert de cendres, ses femmes accroupies devant leurs plateaux, à vendre des épices ou des boules de savons grisâtres...
J’en ai ramené un roman. Un qui s’adresse à des « grands » (à partir de 15 ans), et qui atteint le nombre (jusqu’alors himalayesque pour moi) de 150 000 signes. Si. J’en ai usé mon clavier, la touche espace ne fonctionne plus qu'1 fois sur 3.
Ce roman, l’histoire de trois femmes aux destins douloureusement enchevêtrés, aborde en toile de fond la difficile existence et reconversion des Kumaris, ces petites filles censées être l’incarnation vivante de la déesse hindoue Taleju.
« Choisie » à l’âge de 2, 3 ans selon un rituel tout droit sorti d’un autre temps, la Kumari est enfermée dans un palais, le Kumari Ghar, pour y être vénérée et adulée. Sa vie s’égrène doucement, sévère et monotone, entre cérémonies religieuses et audiences de croyants venant étaler leurs prières égoïstes.
Jusqu’à ce que la première goutte de sang, souvent menstruel, ne s’écoule hors du corps dela Kumari.
L’adolescente est alors destituée et « jetée » dans le monde réel, aussitôt remplacée par une nouvelle petite fille qui viendra abriter l’âme de la déesse.
Quelle est ensuite la vie de ces anciennes petites déesses dont l’enfance a été volée ? Certaines deviennent folles, d'autres prostituées.
C’est en lisant un article sur ce sujet que l’idée du roman m’est apparue. Je me suis mise en quête de tous les documents que je pouvais trouver sur le Népal et cette tradition, j’ai retourné la bibliothèque de la part dieu, fouiné sur le net pendant des jours, commandé des bouquins qui ont mis des semaines à arriver …mais ça y est, c’est terminé.
J’ai eu un plaisir immense à voyager au Népal, derrière mon clavier. Et j’espère qu’un jour, des lecteurs auront le même en lisant ce roman, âpre, selon les premiers avis, mais qui est avant tout une belle histoire d’amour entre une mère et sa fille.
Et pour l'instant, je ne peux résister au plaisir de vous dire que c'est en bonne voie...mais chut ! je n'en dirai pas plus avant que ce soit confirmé (croisons les doigts) et que j'en ai l'autorisation :-)
Voilà un extrait :
Je crois que c’est après cet épisode que je suis devenue enragée. J’avais treize ans. Ma mère ne voulait rien me dire ? Elle se foutait de nos origines, se satisfaisait de sa petite vie étriquée, de son métro- boulot –dodo ? Tant pis, j'allais réparer moi-même certains trous du tricot. Je me suis lancée à corps perdu dans tout ce qui concernait, de près ou de loin, le Népal. J'ai lu des tas de bouquins, regardé des centaines de documentaires, des plus beaux aux plus emmerdants.
Je portais des écharpes en laine de yack et des penjabi violets. Je sirotais des lassi que je fabriquais en rajoutant de l’eau dans mes yaourts aux fruits. Dans ma chambre, au milieu de masques de Ganesh, de lampions en papier et de fumée d’encens, je chantais « Resham Firiri » à tue-tête, parce que je croyais que ça me faisait du bien et surtout parce que ça emmerdait ma mère.
Resham firiri.
Resham firiri, resham firiri
Udera jaun ki dandaama bhanjyang
Resham firiri.
Udera jaun ki dandaama bhanjyang
Resham firiri.
Je trouvais qu'autour de moi, tout était moche, sans intérêt, sans saveur, que rien n'égalait le Népal, magique et mythique, avec son quotidien fait d’histoires de rois, de princesses, de dieux qui se changent en serpents, de géants et de sorcières. Le Népal dont je rêvais était imprégné des récits d’Alexandra David-Neel. C’était mon refuge, mon paradis. J’imaginais les sommets immaculés, les temples éclaboussant de couleurs, les odeurs de cardamome et de clous de girofle dont parlaient les bouquins que je m’enfilais jusqu’à l’overdose.
J’avais aussi décidé que j’étais hindoue, comme 90% des népalais…la décision était plus statistique qu’intuitive. J’avais lu qu’on ne pouvait pas se convertir à l’hindouisme, la transmission ne devant uniquement se faire par les liens du sang. Ce qui tombait bien, puisque comme je m’en étais persuadée, mes grands-parents l’étaient certainement.
Je ne mangeais plus de viande, lisais les traductions de textes sacrés auxquels je ne pigeais rien et vénérait Vishnou qui devait m'aider à traverser le chaos de ma vie.
Je ne foutais plus rien en cours et n'avais plus qu'une idée : atteindre ma majorité et me tirer à Katmandou.
Les relations avec ma mère étaient pires que tout ce qu’on aurait pu imaginer. On n’arrêtait pas de s’engueuler, avec portes et mots qui claquent, à tout faire trembler.
Et puis ça s'est arrêté. Tout d'un coup. Un matin, je me suis réveillée en me rendant compte que tout ça ne rimait à rien. Je savais encore moins qui j'étais, au milieu de bols chantants et de mantras sacrés dont certains, même si je ne voulais pas me l’avouer, ne me faisaient pas plus d'effet que le catalogue des promos du supermarché. Tout ça, c'était du faux, du maquillage, du rêve préfabriqué. Il manquait quelque chose derrière tout ça. Le plus important : un ancrage, un contexte, un sens.
J'ai quasiment tout foutu à la poubelle et le midi même, avec Alex, j'ai mangé un bon vieux steak de bon vieux bœuf, copieusement arrosé de larmes. Ma mère ne m’a rien demandé.
6 commentaires:
du bon Heurtier, ça, messieurs dames !
Quôôôôôoâ?????????
Tu as déjà fini?!?
Et 150 000...
J'en suis baba!
Et dans un état d'impatience indescriptible.
Bravissimo!
Croisage de doigts !
Le sujet est magnifique, ça va marcher, dis-nous vite !
Ca donne envie d'en découvrir plus...
C'est vraiment super..
On est transporté totalement dans ce pays..
bisous
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