BREAKING NEWS

! BREAKING NEWS ! Je quitte la Martinique à l'été 2022. N'hésitez pas à me solliciter pour programmer des rencontres dès la rentrée, je serai enchantée de vous retrouver !

samedi 11 juin 2022

Own-voice

Depuis quelques années, certains.nes sont d'avis qu'on ne devrait pas écrire sur des sujets pour lesquels on n'est pas concerné. C'est un débat que je trouve intéressant, car il nous fait osciller entre le " qui suis-je pour me mettre à la place d'un autre" et le " l'empathie ne nous le permet-elle pas ?".
Personnellement, je suis ouverte à toutes les discussions, tant qu'elles se font dans le respect et l'ouverture à l'autre (c'est l'histoire du 6 et du 9, voir ci-dessous) et j'aime à penser qu'on s'enrichit toujours à entendre des points de vue différents des nôtres. 

Pour ma part (mon avis est peut-être naïf ou simpliste, je ne prétends pas du tout le contraire), je me dis qu'on peut, effectivement, ne pas être "concerné" de par son ethnie/ culture...mais qu'on peut l'être en tant qu'être humain. 
C'est la raison pour laquelle je crois qu'il y a de la place pour tout le monde.
C'est aussi la raison pour laquelle j'aime tant écrire sur des cultures et époques différentes, qu'il s'agisse de m'indigner contre des injustices, des inégalités, ou de mettre en lumière des richesses et des modes de pensée desquels on a tous à apprendre.
Evidemment, l'angle et le prisme retenus sont importants. D'ailleurs, dans mes romans, lesdites cultures ne sont pas le sujet central, mais le décorum d'un sujet plus universel. 
En tous cas, à
chaque fois que je m'y attelle, c'est un énorme travail de documentation et de mise à nu de soi pour tenter de revêtir l'habit de l'autre, avec respect, honnêteté, humilité. Et si par malheur je le fais mal, c'est à moi que je fais du tort.

Dans ce cadre, je vais vous raconter une petite histoire à propos de Sweet Sixteen, un roman qui n'est donc pas "own voice", puisque j'y raconte l'histoire des neuf premiers étudiants noirs qui sont entrés dans un lycée de blancs, dans les années 50 aux EU (quoique...il est aussi question de blancs dans ce roman, si tant est qu'on peut se sentir légitime ou non par la seule couleur de sa peau). 
Il s'agit d'un roman qui est très souvent étudié en classe de collège et pour lequel je fais beaucoup de rencontres scolaires, 10 ans après.
L'une d'entre elles a été fondamentale dans mon parcours d'autrice.
C'était il y a 6 ou 7 ans, dans l'ouest de la France.
A la fin de la séance, une jeune fille a demandé à prendre la parole. Devant une soixantaine d'élèves (et on sait combien le regard de l'autre peut être pesant à cet âge là), elle a expliqué que toute sa famille était raciste, et qu'elle, élevée dans ce contexte, ne s'était jamais vraiment interrogée sur ses propres croyances. Elle aussi s'imaginait donc raciste, depuis 13 ans. 
Jusqu'à ce qu'elle se retrouve avec Sweet Sixteen entre les mains, lecture imposée par sa professeure de français.
Je n'oublierai jamais les paroles de cette jeune fille. 
" Grâce à vous, madame, et à votre livre, j'ai l'impression d'avoir ouvert les yeux. Maintenant je sais que je ne serai plus jamais raciste, de toute ma vie".
C'est un souvenir que je chéris et que j'aime à ressortir de temps en temps, quand je doute ou quand je suis agressée sur le choix de mes sujets. Parce que si mon travail n'a servi qu'à une chose, à faire grandir une seule personne, alors je me dis qu'il n'est pas tout à fait illégitime. Et que quand il s'agit d'aller vers davantage d'humanité, on est tous concernés. 










 




Je finirai en citant Alain Mabanckou "Quand on ne regarde le monde que par le prisme de la politique identitaire, on est entré dans un espace qui est le contraire de la littérature.”