En juin prochain, chez Casterman paraitra PUSH (Persist Until Something Happens), un roman ado sur le thème des violences sexuelles dans le sport, et plus particulièrement le déni qui peut les entourer.
C'est un travail que j'ai commencé en janvier 2020, après avoir entendu Sarah Abitbol sur France Inter, au micro de Léa Salamé.
A cette époque-là, il y avait eu Adèle Haenel et d'autres bien sûr, mais finalement, bien peu en comparaison avec l'avalanche de révélations qui ont suivi, depuis. Et aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il ne se passe pas une semaine sans qu'une nouvelle affaire éclate dans le monde des arts, du sport, des affaires, de la cuisine, des grandes écoles. Cela ne sert à rien de compartimenter. Cela arrive partout.
Dans la classe de votre enfant. Dans votre rue, dans votre immeuble. Dans votre club de ukulélé, de yoga, au bureau, combien sont concerné/es ?
Cette avalanche me terrifie. Elle tend à montrer que des actes que l'on pouvait, il y a quelques années, encore croire isolés, sont en réalité répandus.
Du coup, je me pose beaucoup de questions.
Qu'est ce qui conduit les agresseurs à passer à l'acte ? En général, ils (selon l'enquête Mémoire traumatique et victimologie, 96% des agressions sont perpétrées par des hommes) n'ont pas le profil de prédateurs sexuels. Ce sont des gens "normaux", qui sont pères, frères, maris, oncles, cousins, voisins, amis. D'ailleurs, dans la majorité des cas (90%) la victime connait son agresseur.
Est-ce une question de culture, d'éducation, de société qui valorise encore, quoi qu'on en dise, la masculinité, qui encourage les filles à accepter, à se taire, à croire que c'est de leur faute, qu'elles l'ont cherché ?
Est-ce une question toute basique, de force physique ? De pouvoir professionnel ? De carence parentale ?
Est-ce que mon fils pourrait être un de ceux là, malgré toutes les valeurs que j'essaie de lui inculquer ?
Est-ce que ma fille, ou mon fils, s'ils étaient agressés, auraient honte de me le dire ?
Je songe aussi qu'il y a quelques années, il était courant d'entendre des "elle a couché pour réussir". Pourquoi n'envisage-t-on jamais ce sujet sous l'angle du viol ? Pourquoi ne dit-on jamais " encore un qui a profité de sa situation pour violer ?.
Beaucoup de questions, donc.
Dans ce roman, j'ai essayé d'aborder les violences sexuelles sous un prisme particulier, celui des mécanismes d'autoprotection que l'on peut se construire lorsqu'on ne veut pas voir une réalité qui fait trop mal, qui dérange, notamment quand on est dans l'entourage de la victime. Car pour que la parole se libère, il faut aussi qu'elle puisse être entendue. Et force est de constater que ce n'est pas toujours le cas, malheureusement.
Ci-dessous, la couverture - que j'adore -, un petit extrait ainsi qu'une vidéo réalisée pour Casterman, sur la genèse de ce roman.
Qu’est-ce qui vous rend heureux.se ?
Partir en compétition.
J’aime cette impression de me sentir vivante, privilégiée, quand, très tôt le
matin, je quitte la maison. Je respire la nuit, je me cale au fond du siège de
la voiture et je regarde le paysage défiler derrière les fenêtres. Je compte
les rares maisons qui avouent des insomnies, dans les autres, j’imagine les
gens endormis et je pense que je gagne des moments de vie.
J’aime arriver sur le parking, retrouver Manon et les filles, coiffées et
habillées à l’identique, survêtement blanc cheveux tirés, j’aime le bruit mou
des sacs qu’on jette dans le coffre du bus, nos bâillements et les rires qui
incisent la nuit. J’aime les regards des parents qui cajolent nos silhouettes, celui
des petites sœurs qui nous envient, l’odeur des thermos de café de chocolat
chaud, la voix de mon père alors, on va où déjà ? à la foire aux
bestiaux ?, le visage
faussement consterné de ma mère, celui d’Anne-Laure qui l’est probablement en
vrai, le ronron du moteur sur les heures de route, les chansons ça et là, les
discours de ma mère, les vidéos de Mélanie de Jesus Dos Santos ou Katlyn Oashi,
les selfies idiots, l’homéopathie, le Cicatryl pour consoler les paumes abimées,
les fruits secs officiels, les chamallows officieux.
J’aime l’arrivée dans un gymnase qui n’est pas le nôtre mais qui ressemble à
tous les autres, les cœurs chamades, les dos qui se redressent à l’approche des
autres équipes, l’impression d’être tantôt grandes ou minuscules, l’envie de faire
bien, de faire mieux, l’émulation qui picote les muscles, la peur qui essore le
ventre, l’odeur des vestiaires inconnus, de la magnésie, puis celle des agrès
patinés par des milliers de mains, de pieds, l’odeur du métal, de la sueur et
du cuir.
J’aime les bras croisés de ma mère, son attitude rassurante et stoïque, les
clins d’œil confiants d’Anne-Laure, les échauffements en musique, parfaitement
synchrones, petites parades pour se toiser, impressionner et être impressionnées.
J’aime vérifier ma coiffure, placer une dernière barrette, vaporiser un dernier
coup de laque, vérifier la tenue du justaucorps, remettre un peu de colle sur
les fesses, les filles, qui a du
« ça-tient », j’ai oublié le mien !
J’aime la peur qui enfle au fur et à mesure que l’horloge me rapproche de
mon entrée en scène, la voix dans le haut-parleur, celles des filles – aalleeez, avec l’intonation qui remonte
sur la fin – le sentiment d’être importante, d’être là, maintenant, pour
quelqu’un, pour quelque chose, d’avoir un rôle à jouer dans une équipe, d’être
une brique, une brique solide, une brique pour vivre plus fort, plus haut, une
brique parmi d’autres pour élever l’édifice.
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