Alexis est un élève de CAP que j'ai rencontré l'année dernière (avec sa classe), dans le cadre de la fête du livre de Montbrison.
Après mon passage, il a tenté sa chance au concours de nouvelles organisée par les bibliothèques de Saint Etienne...et l'a remporté.
https://www.leprogres.fr/loire
Je suis très flattée d’apparaître plusieurs fois en guest star dans son texte :-) que j'ai trouvé vraiment bien écrit et composé.
Je vous laisse en juger par vous-même.
Bravo Alexis ! Je suis très heureuse pour toi et je t'adresse toutes mes félicitations, avec un grand sourire. Je ne sais pas s'il sera aussi lumineux que celui que tu me prêtes dans ton texte mais en tous cas il est sincère :-)
Le cri
Il remarqua sur le sol un morceau de verre brisé qui semblait différent des autres par sa luminosité, sa rondeur sur l’un des côtés, il brillait tel un diamant sous les projecteurs de la rue. Alexis se baissa, le scruta et le mit dans sa poche. Il viendrait compléter sa collection d’objets disparates. Cette trouvaille était-elle liée au bruit de verres explosés qu’il avait perçu avant ? Il supposa que oui.
Sur le sol, un peu plus près du bar, des morceaux de verres brisés étaient éparpillés.
Nous étions vendredi soir, le week-end approchait et de nombreuses personnes le fêtaient. Des éclats de voix, des bruits diffus trouaient le calme de la nuit. Alexis, qui habitait pas très loin du café, n’y prêtait plus attention tellement il y était accoutumé. A cette heure tardive, il y en avait toujours, mais ceux-ci persistaient et à force devenaient dérangeants.
Il se rapprocha tout doucement et là, il vit deux personnes s’empoigner violemment. Le barman, si pacifique habituellement et même nonchalant, était sorti et gesticulait, accompagné d’une foule qui vociférait. Une bagarre éclata, toutes les personnes se mêlaient les unes aux autres, s’arc-boutaient comme dans une mêlée de rugby, se donnaient des coups.
Comment cela allait-il se terminer ? Où étaient ses trois amis qu’il devait rejoindre au bar ? Il ne les voyait pas. Alexis ne présageait rien de bon.
Tout d’un coup, un cri aigu et strident troua la mêlée. Tout le monde s’arrêta net. Les personnes s’écartèrent les unes des autres à la vitesse d’un éclair. Les visages, écarlates de colère virèrent au rosé puis au blanc. Un individu était à terre. Du sang coulait de son oreille gauche. Très vite, un habitué du bar lui palpa le poignet, il ne respirait plus. Un autre lui fit un massage cardiaque pendant que le barman appelait les secours. Il n’y eut rien à faire, il était passé de vie à trépas.
Depuis ce jour, ce fut le début d’une longue enquête.
Les policiers commencèrent tout d’abord par interroger toutes les personnes qui étaient dans le bar, puis, le lendemain, ils les convoquèrent chacune à leur tour au commissariat de police. Et ce fut le lot des questions habituelles auxquelles Alexis ne put échapper.
« Déclinez votre identité, votre date de naissance. »
« Que faisiez-vous hier soir au bar ?»
« Connaissiez-vous la victime ? »
Il répondit à cela :
« Je m’appelle Alexis Bardet. Je suis né le 13 janvier 1987. Hier soir, je devais prendre un verre avec mes amis. Non, je ne connaissais pas la victime ». Il fallut ensuite nommer les amis pour vérifier si ses dires étaient véridiques et préciser à quel moment il était arrivé.
Cela dura une heure.
Mais ce qu’Alexis ne savait pas à ce moment-là, c’était qu’un inspecteur de la criminelle avait trouvé le soir même, par terre, au milieu des autres verres, un, plus arrondi, presque similaire à celui qu’avait ramassé Alexis et qu’il l’avait envoyé analyser.
C’était un diamant, celui d’un vol de bijoux commis place Vendôme, chez Boucheron.
Alexis, de retour chez lui, en cherchant les clés dans sa poche, palpa le morceau de verre, il s’en empara et le déposa sur une étagère où s’accumulait un bric à brac d’objets hétéroclites ramassés au hasard de ses promenades. Des cailloux, des morceaux de fer prônaient là comme des trophées. Alexis aimait les regarder se rappelant ses randonnées à la campagne ou ses flâneries dans les rues. Chacun avait une petite histoire bien précise et il se disait que plus tard, il écrirait un livre dans lequel il raconterait chacune de ses petites excursions. Il fallait bien trouver de quoi occuper les jours de pluie ! Enfin, c’est ce qu’il se disait mais il fallait bien l’avouer, il aurait aimé être écrivain, il était subjugué par cette profession. Et là, avec ce morceau de verre luisant et arrondi, il tenait peut-être le sujet d’un livre. Annelise Heurtier, n’avait-elle pas lancé à la cantonade lorsqu’elle était venue au lycée professionnel et qu’il l’avait interrogée sur son métier : « Des idées, on peut en avoir plein. Mon travail d’auteur est de repérer les graines de fleurs et de choisir celles que je vais faire pousser ! ». Lui, élève de CAP, avait trouvé cette métaphore sublime. Ce morceau de verre se transformerait peut-être en graine de fleur qui l’inciterait à écrire un roman, digne de ce nom !
La sonnette le tira de ses rêves. C’était Thomas l’un des trois amis qu’il devait rejoindre au bar. Ils n’avaient pu discuter hier soir comme promis. Thomas était très bavard et là sa faconde était intarissable. Il s’était renseigné, il savait… C’est ainsi qu’Alexis, en une fraction de secondes, apprit que la bagarre dans le café opposait au début la victime et un autre homme dont les éclats de voix insistaient sur le mot « casse », « Boucheron », « cachette »… Comme tous les deux en étaient venus aux mains, certains habitués avaient voulu les séparer mais au lieu de régler l’affaire, cette dernière s’était envenimée car les personnes étaient plutôt en état d’ivresse. Une parole de travers et ce fut des coups qui pleuvaient. Le barman, avec son flegme britannique, avait essayé de les pousser dehors, aidé par d’autres personnes conscientes du danger mais, plus ils essayaient, plus les autres se rebellaient ce qui donna une mêlée générale. Que le genre humain est stupide pensa Alexis ! Voila comment se termine le fait de vouloir aider son prochain! Puis, son regard, se posant sur un livre policier qui trainait sur un coin de la table, s’illumina : voici un beau sujet de roman ! Il pourrait broder autour. Submergé par sa découverte, il ne pensa même plus au verre déposé sur son étagère.
Une fois Thomas parti, Alexis essaya d’élaborer le schéma narratif de son futur livre. Il imagina une rixe entre mafieux mais il lui fallait un prétexte et c’est là qu’il se remémora les paroles de son ami. Le mot « diamant » lui éclata au visage comme une bombe à retardement. Un frisson lui parcourut le corps. Il fixa l’étagère. Ce morceau de verre arrondi ne serait-ce pas un diamant ? Il se leva, se dirigea vers lui, le palpa, puis il eut une idée géniale. Il allait chercher sur l’ordinateur la réponse à sa question. Il trouva : « minéral transparent composé de cristaux de carbone pur ». Puis « Prenez un morceau de papier de verre et frottez le contre votre pierre. Les vrais diamants resteront intacts alors que d'autres pierres, comme le zirconium cubique, seront abimées ». Il fit le test, le morceau de verre ne semblait pas rayé, mais Alexis n’était pas convaincu. Il poursuivit avec celui de la buée, le diamant ne s’embua pas rapidement puis celui du verre d’eau où il coula telle une pierre. Il devait se rendre à l’évidence, il était bel et bien en possession d’un diamant. La surprise était de taille. Il se mit à crier de joie.
Trois jours plus tard, il décida de réaliser son rêve grâce à ce diamant. Ecrire un roman sur sa trouvaille. Le jour même, il se mit devant l'ordinateur, des idées défilaient dans sa tête comme dans un carnaval, mais une question l'interpellait « Quel titre choisir ? ». Il y réfléchit longuement puis il se décida subitement, comme un jet de lumière sorti du néant pour : « Ma découverte ». Il se rappelait alors ce que Annelise Heurtier leur avait dit au sujet des romans.
Après cinq mois de travail acharné, il acheva d'écrire son livre.
"Mais qui allait-il intéresser ? Fallait-il l'envoyer à un éditeur, à plusieurs ? Cette démarche ne servirait-elle pas à rien ? N'était-il pas qu'un minable auteur ? Qu'en avaient à faire les autres de ses découvertes ?"
Finalement, il se résolut à envoyer le manuscrit à un seul éditeur. Il lui dirait peut-être ce qu'il en penserait.
L'attente fut longue et passa même dans l'oubli jusqu'au jour où le facteur, l'un de ses amis, qu'il rencontra dans la rue, lui remit un pli cacheté.
Alexis ne prit garde à l'adresse de l'expéditeur. Il l'ouvrit tout en sirotant un jus de fruit au bar, le même où il avait découvert le diamant.
La réponse était favorable, il fallait juste changer quelques petites phrases avant que le manuscrit soit envoyé à l'imprimeur.
Alexis poussa de nouveau un cri de joie qui fit retourner tous les gens attablés.
Le livre eut un grand succès. Mais ce qui plut le plus à Alexis, ce fut le coup de téléphone d'Annelise Heurtier qui lui demanda s'il voulait faire une séance de dédicaces avec elle à Saint-Etienne. Elle y était conviée pour la fête du livre et le concours annuel des nouvelles. Ce fut avec allégresse qu'Alexis accepta.
Arrivé sur place, Annelise Heurtier l’attendait avec un sourire aussi lumineux qu'un rayon de soleil. Alexis était aux anges.
Les personnes, qui étaient présentes pour se faire dédicacer le livre, lui avaient donné des ailes et de là, il se sentit une âme d'écrivain.
Son imagination devint de plus en plus abondante. La petite graine avait poussé pour donner une jolie fleur.
1 commentaire:
Magnifique rencontre ! merci du partage :-)
Lilipage
Enregistrer un commentaire