Dans un peu plus d'un mois sortira (tadaaaaaaam) Sweet Sixteen, un roman ado publié aux éditions Casterman.
Quelques blogs le présentent en avant première , alors je relaie (premièrement parce que - ouh là là- ça me procure une petite pointe d'excitation et puis deuxièmement parce qu'il faut bien que je raconte des trucs sur ce blog sinon on va croire que je me tourne les pouces sous un cocotier)
Mais quand même, la comparaison avec "la couleur des sentiments", ça me colle la pression. Fichtre. J'espère que vous aimerez.
Editions Casterman
Sortie le 10 avril 2013 - Prix 12€
Présentation de l'éditeur
1957, Arkansas, États-Unis.
Molly, 15 ans, fait face à un destin plus grand qu'elle. En compagnie de huit camarades, elle s'apprête à faire sa rentrée des classes au lycée de Little Rock - un établissement réservé aux Blancs. Molly, elle, est noire. Cette tentative d'intégration, dans cet État du Sud, suscite un violent rejet et un effroyable déferlement de haine raciste. Réservée mais farouchement résolue, Molly reste droite au cœur de la tempête, tandis que l'une de ses camarades de classe blanche, Grace, rejettera progressivement les "valeurs" souvent révoltantes de son milieu d'origine.
Dépeinte avec réalisme et sensibilité, la chronique d'une innocence volée, néanmoins teintée d'optimisme : la démarche incroyablement courageuse de Molly et de ses condisciples a ouvert la voie à l'égalité.
Inspirée de faits réels, un récit bouleversant qui met en scène des adolescents confrontés au racisme et à la haine. Un humanisme universel et intemporel.
Annelise Heurtier signe avec Sweet Sixteen, après le Carnet Rouge et La fille aux cheveux d'encre, son troisième roman chez Casterman.
Et comme je suis de bonne humeur parce que je viens de terminer l'écriture d'un truc pour lequel j'ai entassé cinq cent pages de docs, je mets sous vos yeux ébaubis un extrait de Sweet Sixteen ici même. Oui Mesdames Messieurs.
[...]
La
grande table d’acajou des Sanders brillait tellement que Grace pouvait
s’admirer dedans.
Autour d’elle, toutes les bonnes volontés désireuses de se rallier à la Ligue des Mères Blanches
écoutaient Katherine Sanders. Pour qu’elle parle avec autant de passion, son
rôle de présidente de la Ligue
devait vraiment être celui de sa vie. Sa mise en pli commençait à faiblir et
elle n’avait même pas pris le temps de la retaper.
- La rentrée est dans moins de 8 jours. C’est maintenant que nous devons redoubler d’efforts pour défendre les intérêts de nos enfants. Nous ne POUVONS raisonnablement pas faire entrer ces neuf nègres au Lycée Central. Rendez-vous compte de ce que cela implique au quotidien ! Les laisser s’asseoir sur les mêmes toilettes, manger avec les mêmes couverts que nos enfants ! Exposer nos filles à leurs façons grossières et à leurs maladies !
Entre deux bouchées de biscuits, l’assistance apprêtée faisait des signes approbateurs ou ponctuait le discours de « Seigneur Dieu » horrifiés.
De temps à autre, Martha, la domestique des Sanders, remplissait des verres ou ramassait des miettes sur le tapis.
- La rentrée est dans moins de 8 jours. C’est maintenant que nous devons redoubler d’efforts pour défendre les intérêts de nos enfants. Nous ne POUVONS raisonnablement pas faire entrer ces neuf nègres au Lycée Central. Rendez-vous compte de ce que cela implique au quotidien ! Les laisser s’asseoir sur les mêmes toilettes, manger avec les mêmes couverts que nos enfants ! Exposer nos filles à leurs façons grossières et à leurs maladies !
Entre deux bouchées de biscuits, l’assistance apprêtée faisait des signes approbateurs ou ponctuait le discours de « Seigneur Dieu » horrifiés.
De temps à autre, Martha, la domestique des Sanders, remplissait des verres ou ramassait des miettes sur le tapis.
Grace
ne croyait pas éprouver une quelconque sympathie pour les noirs, mais elle se
demandait comment Martha pouvait prendre une apparence si détachée alors que sa
patronne parlait de la sorte, juste sous son nez. A sa place, elle aurait été
mortifiée. Au lieu de quoi, Martha continuait son travail sans rien laisser
paraître. De la sueur perlait sur ses tempes, mais il faisait tellement chaud
et humide que cela pouvait tout aussi bien être dû à la nonchalance du
ventilateur.
- Mais comment allons –nous faire ? piailla une petite femme en battant des paupières poudrées de rose.
La poitrine de la femme étouffait dans un chemisier étriqué. Grace se demanda si, comme elle, toute la tablée regardait le petit morceau de muffin qui y avait atterri.
- Mais comment allons –nous faire ? piailla une petite femme en battant des paupières poudrées de rose.
La poitrine de la femme étouffait dans un chemisier étriqué. Grace se demanda si, comme elle, toute la tablée regardait le petit morceau de muffin qui y avait atterri.
-
Oui, que fait-on concrètement ? reprirent plusieurs mères, en canon.
Kathy Sanders tapa dans les mains :
- Toutes vos idées sont les bienvenues ! Mais pour en avoir déjà longuement débattu ces dernières semaines lors des réunions organisées par notre association, nous savons qu’il va falloir agir finement.
De l’autre côté de la table, Brook gratifia Grace d’un sourire entendu. Cette dernière n’avait pas forcément eu très envie d’assister à ce petit « goûter », mais Brook avait tellement insisté qu’elle s’était laissée convaincre.
- Tu ne vas quand même pas me dire que tu veux étudier à côté d’un nègre ? avait demandé Brook.
Dorothy avait ajouté :
-Ou déjeuner ? La seule place des nègres au Lycée, c’est à la cafétéria, derrière le comptoir !
Grace avait alors accepté. Sans compter que cela ferait toujours un prétexte supplémentaire pour apercevoir Sherwood, le frère aîné de Brook, qu’elle trouvait plus qu’attirant. D’ailleurs, elle n’était pas la seule. La moitié des filles du lycée auraient vendu leur mère pour sortir avec lui, ce qui avait achevé de la convaincre. Ce serait elle, Grace Anderson, qu’il inviterait au bal de fin d’année. Et personne d’autre.
Katherine Sanders reprit :
- Les faits sont simples. L’abolition de la ségrégation dans les écoles publiques a été édictée parla
Loi. La seule manière d’en stopper l’avancée est donc de
démontrer qu’elle met en danger la sécurité de nos enfants.
Kathy Sanders tapa dans les mains :
- Toutes vos idées sont les bienvenues ! Mais pour en avoir déjà longuement débattu ces dernières semaines lors des réunions organisées par notre association, nous savons qu’il va falloir agir finement.
De l’autre côté de la table, Brook gratifia Grace d’un sourire entendu. Cette dernière n’avait pas forcément eu très envie d’assister à ce petit « goûter », mais Brook avait tellement insisté qu’elle s’était laissée convaincre.
- Tu ne vas quand même pas me dire que tu veux étudier à côté d’un nègre ? avait demandé Brook.
Dorothy avait ajouté :
-Ou déjeuner ? La seule place des nègres au Lycée, c’est à la cafétéria, derrière le comptoir !
Grace avait alors accepté. Sans compter que cela ferait toujours un prétexte supplémentaire pour apercevoir Sherwood, le frère aîné de Brook, qu’elle trouvait plus qu’attirant. D’ailleurs, elle n’était pas la seule. La moitié des filles du lycée auraient vendu leur mère pour sortir avec lui, ce qui avait achevé de la convaincre. Ce serait elle, Grace Anderson, qu’il inviterait au bal de fin d’année. Et personne d’autre.
Katherine Sanders reprit :
- Les faits sont simples. L’abolition de la ségrégation dans les écoles publiques a été édictée par
Une
autre mère se mit à crier, très agitée :
- Mais cela la met déjà ! Dieu sait de quels instincts ces nègres sont animés ! Je ne veux pas retrouvée ma fille égorgée !
- Ou contaminée par une maladie honteuse ! ajouta une autre en fourrant un bout de gâteau dans sa petite bouche plissée.
Grace se recula pour laisser Martha lui servir un verre d’orangeade. Chez elle, il y avait également une domestique noire et bien qu’elle l’ait bercée, changée et amusée pendant toute son enfance, Grace devait bien reconnaître qu’elle n’avait contracté aucune maladie spécifique. Loin de là. Entre Grace et Minnie, une vraie complicité s’était nouée. Non, plus que de la complicité. De l’ amitié.
Mme Sanders hocha la tête avant de répondre :
- Mesdames, je partage votre opinion, mais au regard de la justice, cela n’est pas suffisant. Ce qu’il faut laisser entendre, c’est que l’intégration elle-même va conduire à des émeutes. Que les jeunes sont en train de se procurer des armes et que cette journée du 3 septembre va finir dans un bain de sang.
- Mais cela la met déjà ! Dieu sait de quels instincts ces nègres sont animés ! Je ne veux pas retrouvée ma fille égorgée !
- Ou contaminée par une maladie honteuse ! ajouta une autre en fourrant un bout de gâteau dans sa petite bouche plissée.
Grace se recula pour laisser Martha lui servir un verre d’orangeade. Chez elle, il y avait également une domestique noire et bien qu’elle l’ait bercée, changée et amusée pendant toute son enfance, Grace devait bien reconnaître qu’elle n’avait contracté aucune maladie spécifique. Loin de là. Entre Grace et Minnie, une vraie complicité s’était nouée. Non, plus que de la complicité. De l’ amitié.
Mme Sanders hocha la tête avant de répondre :
- Mesdames, je partage votre opinion, mais au regard de la justice, cela n’est pas suffisant. Ce qu’il faut laisser entendre, c’est que l’intégration elle-même va conduire à des émeutes. Que les jeunes sont en train de se procurer des armes et que cette journée du 3 septembre va finir dans un bain de sang.
Grace
releva la tête. Visiblement satisfaite, Kathy Sanders examinait l’effet de sa
prestation sur son auditoire.
Après quelques secondes de silence, un brouhaha confus emplit la salle à manger.
Mme Sanders fit tinter une clochette argentée pour réclamer le silence.
- C’est pourquoi nous allons en référer au juge Reed, àla Cour d’Etat de l’Arkansas,
pour lui exposer notre manière de penser. Parallèlement à cela, je demande à
toutes celles qui veulent bien adhérer à notre Ligue de nous prêter main forte pour
continuer à alerter l’opinion sur les dangers de l’intégration. Nous acceptons
les espèces et les virements bancaires.
Elle marqua une pause et se prépara à lâcher son argument final, sa petite botte secrète dont elle se félicitait chaque jour d’avoir eu l’idée :
- Si nous n’agissons pas maintenant, ils voudront bientôt épouser nos filles ! Et vous vous retrouverez à bercer… des petits-enfants mulâtres !
Grace vit Martha jeter un œil à celle qui l’employait depuis des années. Et ce qu’elle lut dans ses yeux la mit mal à l’aise. C’était le regard de quelqu’un qui a perdu espoir.
Grace avala une gorgée d’orangeade. Dieu qu’il faisait chaud ici ! Quand est-ce que cette petite sauterie allait donc se terminer ? Elle avait d’autres chats à fouetter.
Après quelques secondes de silence, un brouhaha confus emplit la salle à manger.
Mme Sanders fit tinter une clochette argentée pour réclamer le silence.
- C’est pourquoi nous allons en référer au juge Reed, à
Elle marqua une pause et se prépara à lâcher son argument final, sa petite botte secrète dont elle se félicitait chaque jour d’avoir eu l’idée :
- Si nous n’agissons pas maintenant, ils voudront bientôt épouser nos filles ! Et vous vous retrouverez à bercer… des petits-enfants mulâtres !
Grace vit Martha jeter un œil à celle qui l’employait depuis des années. Et ce qu’elle lut dans ses yeux la mit mal à l’aise. C’était le regard de quelqu’un qui a perdu espoir.
Grace avala une gorgée d’orangeade. Dieu qu’il faisait chaud ici ! Quand est-ce que cette petite sauterie allait donc se terminer ? Elle avait d’autres chats à fouetter.
4 commentaires:
ça donne très envie de le lire même si je l'avoue rien que le nom de l'auteure suffit à me donner envie de le lire.
oh lala oh lala oh lala, je l'aime je le veux, j'aime le titre, l'extrait, ton idée, ton écriture, toi, je le veux
Rahh vivement !!
Tu sais quoi, je les aime tes "trucs" à toi !
Enregistrer un commentaire