Une belle couverture soleil, douce comme le sable de Tahiti (bien sûr) et un très beau titre emprunté à Jean-Jacques Goldman, qui a bien voulu qu'on le réutilise.
Vous n'y trouverez pas de lagon ni de cocotiers, mais un lonesome guitariste ténébreux, une jeune parapentiste incollable en western des années 70, un vide-grenier pour les faire se rencontrer, Lou Reed et les Pixies à fond, de la danse qui résonne comme un défi et beaucoup, beaucoup d'amour (mais qui ne dégouline pas, rassurez-vous).
J'espère qu'il vous plaira !
Extrait
Je n’ai pas remarqué Joanna tout de
suite.
Au départ, j’étais trop absorbé dans l’installation de mon stand : PSP, jeux vidéo, DVD et collection de Tom-Tom et Nana bien en évidence (une valeur sûre, récupérée chez la voisine), boites de playmobils savamment entassées en pyramide, biographie de Jimmy Hendrix (je l’ai en double) et vieilles tablatures de guitare disposées en éventail devant un saladier rempli de mini-snickers.
Ce n’est qu’après avoir fini de vérifier toutes mes étiquettes et pris des décisions commerciales stratégiques (du genre « 1 livre offert pour 5 achetés ») que j’ai commencé à pouvoir envisager la vie en dehors des six mètres carrés qui m’avaient été attribués.
J’ai d’abord examiné les stands qui me côtoyaient, avec l’œil méfiant du commerçant qui jauge la concurrence. A ma droite, une femme en blouse fleurie vendait un tas impressionnant d’articles de puériculture. Le lit, la poussette, la chaise bébé et les valises sous les yeux allaient par paire, j’en déduisis que ses enfants aussi. À ma gauche, une fille de 14/15 ans, plus gothique qu’une cathédrale vouée à l’Antéchrist, surveillait ses Barbie en mâchant méchamment du chewing-gum. Je me suis demandé quelle gamine de 6 ans allait bien pouvoir s’en approcher autrement qu’en y étant poussée par un grand frère sadique ou des parents maltraitants. La gothique a brusquement tourné son air lugubre et son mâchonnement vers moi, avant de se mettre à me reluquer avec une mine sinistre et gourmande à la fois.
Par réflexe, j’ai aussitôt reporté mes yeux n’importe où ailleurs, en l’occurrence en face de moi, de l’autre côté de l’allée.
Et là, BAM. La claque de ma vie.
Et pourtant, on peut dire que je m’y connais, en matière de jolies filles. En quinze ans, je dois dire que j’en avais embrassé un paquet. Mais aucune, ni Jenny (the bombe du collège, toutes classes confondues), Sarah, Vanessa et Malika (meilleurs souvenirs en « -a »), Margot et Louise (stage guitare de l’été dernier) ou même l’incroyable Alizée (la fille de la voisine de mes grands-parents, 2 ans de plus que moi, mon premier « vrai » flirt avec les mains et tout, et accessoirement, copine officielle de Luc, mon grand frère) n’avait réussi à me troubler autant. En trois millisecondes, elle avait réussi à faire disparaître toute trace de salive de ma bouche, à me vriller l’estomac comme on essore une serviette mouillée, à me faire palpiter le cœur jusque dans les globules. C’était comme si j’avais perdu la télécommande de mon corps et qu’un savant fou avait décidé de tester toutes les combinaisons de touches à la fois.
Un type haut comme un mur s’est arrêté devant mon stand, a plongé une main velue dans le saladier de snickers en marmottant des remerciements, avant de se lancer dans un examen minutieux de mes boites de playmobils.
- C’est la série de 1983, ton bateau pirate ?
Je me suis contenté de hausser les épaules, tout en me penchant sur la droite pour m’assurer que la fille était toujours de l’autre côté, que je n’avais pas rêvé, qu’elle n’était pas une mystérieuse apparition au milieu d’un bric-à-brac d’occasion, façon Madone des Vide-greniers, Icône des débarras. Elle avait une moue très singulière, légèrement boudeuse, et un air à la fois vulnérable et déterminé, qui me parut complètement irrésistible, comme celui d’un petit chat décidé à obtenir du lait.
En fait, elle ressemblait à Lana Del Rey. En mieux. Non, c’était plutôt Lana Del Rey qui lui ressemblait.
Tandis que sidéré et émerveillé, j’admirais l’évidence, le mur, lui, continuait son monologue :
- C’est la seule qui manque à ma collection, alors tu comprends, si je la trouvais…
Derrière ces mots transparents, la fille était toujours là, entre les iron men en plastique et le bouquet de chapeaux, avec ses épaules à la rondeur nacrée, ses lèvres charnues, ses mèches de chocolat qui éparpillaient la lumière tout autour.
Il y avait quelque chose en elle que j’étais incapable de décrire. J’ai pensé à cette histoire de nombre d’or dont nous avions parlé en arts plastiques, cette proportion précise que l’on évoque pour expliquer le mystère de la beauté. Voilà, c’est ça, elle avait le nombre d’or posé sur son visage. Elle a placé un casque de musique sur sa tête, geste d’une banalité extrême, qui, chez elle, confinait au sublime. Le casque s’était fait couronne de fleurs bleutées, le bric-à-brac dorures et cathédrale, et je m’attendais à ce que deux tigres viennent indolemment se coucher à ses pieds, exactement comme dans le clip de son sosie.
- Si jamais tu connais quelqu’un qui vend le bateau pirate de 1983, appelle-moi, a déclaré le type en tendant une main à travers les brumes baroques de mon hallucination.
D’un geste impatient, j’ai attrapé la carte de visite et l’ai fourrée dans la poche arrière de mon jean, tout en continuant à jeter des petits coups d’œil furtifs à la fille. Elle avait une façon bien à elle de vivre la musique. Sa tête restait immobile, mais je percevais très bien qu’elle était partie, transportée par les notes, les vibrations dans sa poitrine. Je me suis demandé ce qu’elle pouvait bien écouter. Peut-être un solo de Jimi Hendrix.
C’était complètement surréaliste. A 15 ans, je venais de rencontrer la femme de ma vie.
Au départ, j’étais trop absorbé dans l’installation de mon stand : PSP, jeux vidéo, DVD et collection de Tom-Tom et Nana bien en évidence (une valeur sûre, récupérée chez la voisine), boites de playmobils savamment entassées en pyramide, biographie de Jimmy Hendrix (je l’ai en double) et vieilles tablatures de guitare disposées en éventail devant un saladier rempli de mini-snickers.
Ce n’est qu’après avoir fini de vérifier toutes mes étiquettes et pris des décisions commerciales stratégiques (du genre « 1 livre offert pour 5 achetés ») que j’ai commencé à pouvoir envisager la vie en dehors des six mètres carrés qui m’avaient été attribués.
J’ai d’abord examiné les stands qui me côtoyaient, avec l’œil méfiant du commerçant qui jauge la concurrence. A ma droite, une femme en blouse fleurie vendait un tas impressionnant d’articles de puériculture. Le lit, la poussette, la chaise bébé et les valises sous les yeux allaient par paire, j’en déduisis que ses enfants aussi. À ma gauche, une fille de 14/15 ans, plus gothique qu’une cathédrale vouée à l’Antéchrist, surveillait ses Barbie en mâchant méchamment du chewing-gum. Je me suis demandé quelle gamine de 6 ans allait bien pouvoir s’en approcher autrement qu’en y étant poussée par un grand frère sadique ou des parents maltraitants. La gothique a brusquement tourné son air lugubre et son mâchonnement vers moi, avant de se mettre à me reluquer avec une mine sinistre et gourmande à la fois.
Par réflexe, j’ai aussitôt reporté mes yeux n’importe où ailleurs, en l’occurrence en face de moi, de l’autre côté de l’allée.
Et là, BAM. La claque de ma vie.
Et pourtant, on peut dire que je m’y connais, en matière de jolies filles. En quinze ans, je dois dire que j’en avais embrassé un paquet. Mais aucune, ni Jenny (the bombe du collège, toutes classes confondues), Sarah, Vanessa et Malika (meilleurs souvenirs en « -a »), Margot et Louise (stage guitare de l’été dernier) ou même l’incroyable Alizée (la fille de la voisine de mes grands-parents, 2 ans de plus que moi, mon premier « vrai » flirt avec les mains et tout, et accessoirement, copine officielle de Luc, mon grand frère) n’avait réussi à me troubler autant. En trois millisecondes, elle avait réussi à faire disparaître toute trace de salive de ma bouche, à me vriller l’estomac comme on essore une serviette mouillée, à me faire palpiter le cœur jusque dans les globules. C’était comme si j’avais perdu la télécommande de mon corps et qu’un savant fou avait décidé de tester toutes les combinaisons de touches à la fois.
Un type haut comme un mur s’est arrêté devant mon stand, a plongé une main velue dans le saladier de snickers en marmottant des remerciements, avant de se lancer dans un examen minutieux de mes boites de playmobils.
- C’est la série de 1983, ton bateau pirate ?
Je me suis contenté de hausser les épaules, tout en me penchant sur la droite pour m’assurer que la fille était toujours de l’autre côté, que je n’avais pas rêvé, qu’elle n’était pas une mystérieuse apparition au milieu d’un bric-à-brac d’occasion, façon Madone des Vide-greniers, Icône des débarras. Elle avait une moue très singulière, légèrement boudeuse, et un air à la fois vulnérable et déterminé, qui me parut complètement irrésistible, comme celui d’un petit chat décidé à obtenir du lait.
En fait, elle ressemblait à Lana Del Rey. En mieux. Non, c’était plutôt Lana Del Rey qui lui ressemblait.
Tandis que sidéré et émerveillé, j’admirais l’évidence, le mur, lui, continuait son monologue :
- C’est la seule qui manque à ma collection, alors tu comprends, si je la trouvais…
Derrière ces mots transparents, la fille était toujours là, entre les iron men en plastique et le bouquet de chapeaux, avec ses épaules à la rondeur nacrée, ses lèvres charnues, ses mèches de chocolat qui éparpillaient la lumière tout autour.
Il y avait quelque chose en elle que j’étais incapable de décrire. J’ai pensé à cette histoire de nombre d’or dont nous avions parlé en arts plastiques, cette proportion précise que l’on évoque pour expliquer le mystère de la beauté. Voilà, c’est ça, elle avait le nombre d’or posé sur son visage. Elle a placé un casque de musique sur sa tête, geste d’une banalité extrême, qui, chez elle, confinait au sublime. Le casque s’était fait couronne de fleurs bleutées, le bric-à-brac dorures et cathédrale, et je m’attendais à ce que deux tigres viennent indolemment se coucher à ses pieds, exactement comme dans le clip de son sosie.
- Si jamais tu connais quelqu’un qui vend le bateau pirate de 1983, appelle-moi, a déclaré le type en tendant une main à travers les brumes baroques de mon hallucination.
D’un geste impatient, j’ai attrapé la carte de visite et l’ai fourrée dans la poche arrière de mon jean, tout en continuant à jeter des petits coups d’œil furtifs à la fille. Elle avait une façon bien à elle de vivre la musique. Sa tête restait immobile, mais je percevais très bien qu’elle était partie, transportée par les notes, les vibrations dans sa poitrine. Je me suis demandé ce qu’elle pouvait bien écouter. Peut-être un solo de Jimi Hendrix.
C’était complètement surréaliste. A 15 ans, je venais de rencontrer la femme de ma vie.
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1 commentaire:
Il me plaît déjà !
(Mais ça aussi, tu le sais déjà ! ♥)
Encore bravo pour cette superbe histoire, vibrante d'émotion et de sensualité !
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